Alexandre FARCY
De l’hospitalo-centrisme à l’agencement pluriel des lieux de soins en psychiatrie :
Représentations et pratiques sociales de l’institution psychiatrique.
Pour une sociologie de l’institution psychiatrique :
Tout d’abord, il faut en convenir, l’institution psychiatrique à longtemps été tenue hors du domaine de la sociologie. On pourrait d’autant plus s’étonner de cette négligence que les aliénistes et les psychiatres de la première génération ont toujours eu conscience des retentissements sociaux de la maladie mentale et des réponses particulières qu’elle devait apporter. En effet, c’est en vain que l’on chercherait une conception et une stratégie thérapeutique qui ne soient intimement liées à une finalité sociale ; ou des notions de la maladie et de la guérison qui ne soient orientées par celles de la désadaptation et de la réadaptation sociale.
Pour rendre compte de cette situation paradoxale, on peut assurément invoquer les préjugés et les « limites » du sens commun à l’égard de la maladie mentale, la dimension subjective et irrationnelle du trouble psychique peu propice à l’objectivité sociologique, ou encore les divers interdits qui limitent l’accès de cette institution fondamentalement et étiologiquement sanctuarisé. Toutes ces raisons néanmoins ne justifient pas une telle négligence.
L’institution psychiatrique n’est pas, en effet, comme on le pense trop souvent, réduite à l’établissement hospitalier et relevant exclusivement du savoir médical. Il faut plutôt l’entendre, comme l’ensemble des représentations, des croyances, des pratiques, des modalités d’organisations, des idéologies etc., qui à différentes époques s’instituent en rapport avec la maladie mentale et qui porte le nom de psychiatrie. Si l’on considère donc l’institution psychiatrique comme une forme sociale à part entière, composées de ces différents registres, on peut affirmer que ces derniers donnent lieu à une multiplicité de matériaux accessibles à l’analyse sociologique.
Dans ses orientations originelles, la médecine mentale était corvéable aux représentations sociales dominantes. Se référençant exclusivement aux critères de normes, plutôt que médicaux, pour exclure socialement les individus en situation de déviance psycho-sociale, elle s’est efforcée de procéder en s’inspirant d’avantage d’une grille de lecture sociologique, à une mise à l’écart des individus les plus excentrique aux cadres socio-normatifs dominants. Se basant, dans ses premières heures d’applications, sur les normes et valeurs des institutions familiales, religieuses ou encore scolaire, dans la réalisation du traitement social de la folie, la médecine mentale et son référentiel institutionnel, à savoir l’asile, se sont édifiés sur le modèle de l’idéologie dite bourgeoise. Idéologie qui prévoit l’aménagement d’une organisation sociale de type inégalitaire, dans laquelle l’ensemble des relations sociales sont définis par les positions qu’occupent les individus dans la division social du travail.
De ses origines jusqu’à aujourd’hui, l’institution psychiatrique s’est efforcé de composer avec la société. Dans un premier temps, dans le cadre de l’Asile et d’une longue période marqué par l’hospitalo-centrisme, elle s’en est éloignée, la considérant comme facteur de risques et de désordres, puis dans un second temps, elle l’a investit en tentant d’articuler sa pratique aux exigences sociales.
Le passage d’une psychiatrie se consacrant à traiter la maladie mentale dans le cadre d’institutions disciplinaires à savoir l’Asile, à une psychiatrie orientant ses pratiques et représentations au travers du prisme de la santé mentale, à partir d’un quadrillage institutionnel plus diffus inscrit dans le tissu social, ne peut que susciter l’attention de la sociologie. En effet, ces mutation implique de toute évidence, un renversement dans la nature de l’intervention psychiatrique, de ses représentations et des fonctions qu’elle remplit dans la régulation des rapports sociaux.
De l’Asile au secteur : L’aggiornamento moderne de l’institution psychiatrique en question.
Genèse et naissance de l’Asile :
Avec l’avènement de la Réforme protestante et le discrédit qu’elle jette sur le christianisme quant à sa permissivité spirituelle, c’est le rapport de l’homme à la misère qui change. Objet de charité et instrument d’accession au salut divin, la misère à longtemps eu une fonction religieuse dans le dogme chrétien. C’est au cours du XVIIème siècle dans un contexte général de laïcisation de la philanthropie, que ce rapport fonctionnel de complaisance et d’indulgence qu’entretien la chrétienté à l’égard de la misère cesse, pour devenir un rapport de rejet et d’abandon. :
« Une expérience du pathétique allait naître qui ne parle plus d’une glorification de la douleur, ni d’un salut commun à la Pauvreté et à la Charité ; mais qui n’entretient l’homme que de ses devoirs à l’égard de la société et montre dans le misérable à la fois un effet du désordre et un obstacle à l’ordre. Il ne peut donc plus s’agir d’exalter la misère dans le geste qui la soulage, mais tout simplement, de la supprimer » (Foucault, 1972 : 83 ).
Au détriment des représentations et des fonctions religieuses traditionnelles de la misère, vont naître des représentations d’avantage inspirées par la morale et l’idéologie monarchique. La misère glisse alors d’une expérience religieuse qui la sanctifie, à une conception morale qui la condamne ( Foucault, 1972 : 102) Elle est dorénavant source de vices, de dangerosité et de désordre, il n’est donc plus tolérable de la laisser exister aux yeux de tous. De ce nouveau rapport qu’entretien la société à la misère s’institutionnalisera l’hôpital général (1656). Ce lieu d’enfermement n’est pas dans sa vocation originel comme on pourrait le penser un lieu de soin mais plutôt de ségrégation et d’exclusion sociale :
« Dans son fonctionnement, ou dans son propos, l’Hôpital général ne s’apparente à aucune idée médicale. Il est une instance de l’ordre monarchique et bourgeois qui s’organise en France à cette époque » (Foucault, 1972 : 73).
C’est donc, dans le but de contraindre l’agitation des individus susceptible de compromettre l’hygiène et l’ordre publique que l’hôpital général sera institué et deviendra ce lieu paradoxal d’assistance et de répression.
La folie, en contradiction avec les principes d’ordre, de rationalité et d’hygiénisme sur lesquelles se base le classicisme rejoindra également les rangs de la longue liste des catégories indigentes internées. Indistinctement, toutes les « classes dangereuses ou indésirables » feront l’objet d’un traitement social spécifique, caractérisé par l’internement systématique. Les fous se verront donc attribuer une place dans cette institution aux frontières encore très incertaines. En effet, « il n’est guère arrivé qu’on précisât clairement quel y était leur statut, ni quel sens avait ce voisinage qui semblait assigner une même patrie aux pauvres, aux chômeurs, aux correctionnaires et aux insensés » (Foucault, 1972 : 71).
Désormais enfermé dans cet espace de partage que symbolise l’hôpital général, le fou va devenir dans les conceptions de l’époque, le personnage archétypique de la déraison ; incapable de faire sens, dans une société débarrassée de ces représentations séculaires relevant du fait religieux, et animé du rationalisme classique.
Historiquement, ce sont donc les valeurs d’ordre et de raison, construites corrélativement au processus de sécularisation qui traverse l’Europe dans cette proto-modernité que Michel Foucault nomme « l’âge classique », qui justifieront le « grand renfermement » et amèneront au développement d’une médecine spéciale et qui s’appliquera dans le cadre de l’institution asilaire.
Pendant plus d’un siècle et demi, l’internement des insensés ne se fera que dans le cadre de l’hôpital général. Il faudra attendre la chute de l’Ancien régime, pour que cette population fasse l’objet d’un dispositif médico-juridique d’ensemble. Pourtant, l’entrée des médecins sur la scène de la folie s’est faite un peu avant la Révolution. En effet, déjà nombre d’articles font allusion à ce phénomène, à considérer comme objet de la science médicale et susceptible de bénéficier de ses grilles de lectures symptomatologiques dans la mise en place d’une cure. Il y a en effet déjà à cette époque, l’idée que l’individu fou interné dans ses institutions exclusive, doit bénéficier d’un traitement et de remèdes spécifiques, contrairement aux autres reclus.1
C’est ainsi que, la synthèse historique d’un lieu d’exclusion et d’un espace de soin, due au croisement du fou, du criminel et du pauvre malade fonde historiquement la possibilité de l’asile psychiatrique.
Qu’on ne s’étonne pas si encore aujourd’hui, les représentations sociales sur la maladie mentale sont encore très négatives. En effet, si les idées de dangerosité, de risque et de dénuement que le sens commun associe à ce phénomène sont encore très prégnantes, c’est qu’elles sont pour la plupart construites et transmises par un effet d’héritage institutionnelle. La valeur trans-historique de l’institution, comme actualisation de forme institutionnelle passée, fait de cet entité le support matérielle et idéel de tout un ensemble de matériaux sédimenté en son sein, qui conditionne et oriente encore aujourd’hui les pratiques, discours et représentations sur la maladie mentale.
Le traitement moral : Un siècle d’Aliénisme.
Au delà des permanences et des analogies qui sont communément admises dans l’historiographie psychiatrique au sujet des différentes représentations qu’a su adopter l’institution en rapport avec la maladie mentale, nous avons chercher à déceler les modifications et les transformations de ce système de représentation et du discours idéologique qui sous tend les pratiques et le savoir psychiatrique. Un détour historique par la première méthode thérapeutique qui tentera d’appréhender et de guérir l’aliénation mentale nous semble nécessaire, si l’on veut, en privilégiant l’approche diachronique révéler les modifications et transformations des pratiques et représentations de l’institution psychiatrique.
Le traitement moral constitue incontestablement l’élaboration la plus cohérente des doctrines qui se sont développées au XIXème siècle pour tenter d’assister, de guérir et d’expliquer la maladie mentale. Cette méthode thérapeutique déploie, dans ses premières heures d’applications un type d’approche, déterminés à partir d’un système de représentations sociales bien particulier. Le fort potentiel anomique qui pénètre la société Française du XIXème siècle, expose fortement les individus à la vulnérabilité sociale, aux troubles en tous genres, et notamment mentaux. Dans un environnement en perpétuel mouvement, il est difficile pour les individus de mettre en place des formes sociales viables. En proie à un défaut de régulation de leurs désirs et comportements dans une société de plus en plus permissive et défaillante dans la production de normes, les individus sont potentiellement, dans cette expérience douloureuse que constitue l’anomie sociale, exposés à une certaine forme de morbidité. Elle s’exprimera au travers de l’apparition d’une aliénation mentale ou encore de manière irréversible par le suicide comme le constate Emile Durkheim dans « le suicide ».
Dans cette perspective, les troubles sociaux ont une influence sur la folie. L’étiologie elle même du traitement moral prend place dans cette imagerie du désordre, que provoque le développement des sociétés industrielles. C’est donc à partir de cette grille de lecture des troubles mentaux, que naîtra l’idée d’un indispensable isolement de la folie du monde social, si l’on veut la guérir. L’asile sera ainsi conçu, comme la répétition de la société, mais à l’abri des tares qui l’anime. Ce confinement sera au centre de l’application de cette rationalisation qui s’exercera pendant près d’un siècle dans le cadre de l’asile, et qui portera le nom de traitement moral.
Les fondements théoriques du traitement moral, inspiré par des idées d’ordre, de hiérarchie, de discipline et d’équilibre sont une réponse à la transformation des cadres socioculturels, à l’instabilité qu’elle génère et à l’anomie sociale. Cet ordre artificiel qui s’applique dans la structure de l’asile aura pour vocation de resocialiser à partir de méthodes disciplinaires, et en les arrachant d’un milieu social pathogène et perturbateur, les individus « hermétiques » aux instances de socialisation traditionnelles ayant préliminairement échouées dans l’intégration sociale de ces derniers (famille, travail, école etc.,) :
La fonction du médecin dans le traitement moral (Jean Étienne Esquirol est la figure majeur de l’Aliénisme) est déterminée par son aptitude à administrer son institution. Ainsi, selon Esquirol « une maison d’aliénés est un instrument de guérison ; entre les mains d’un médecin habile, c’est l’agent thérapeutique le plus puissant contre les maladies mentales » (Castel ,1977 :65). La figure charismatique du médecin, représentant de l’ordre et de la morale, doit s’effacer au profit d’un environnement social autoritaire et diffus, capable de se disperser dans l’institution tout en englobant les individus.
« L’on peut dire que le corps du psychiatre, c’est l’Asile lui-même ; la machinerie de l’Asile et l’organisme du médecin, à la limite doivent ne former qu’une seule et même chose ».2
De cette façon, le traitement moral Esquirolien reposera surtout sur la mise en place d’un environnement social ordonné, fait de régularités dans le travail, de hiérarchies, de classements symptomatologiques, d’emplois du temps inflexibles ou encore d’agencements architecturaux austères etc., On retrouve toujours cette idée récurrente qui consiste à appréhender l’aliénation mentale comme produite d’un désordre que suscite l’agitation du monde social et son caractère anomique. L’asile est donc conçu comme un milieu potentiellement thérapeutique, dans le sens où il pallie, à partir d’une organisation et d’un mode de fonctionnement rigoureux, le manque de discipline, et dans le même temps assure une fonction de socialisation. Cette convergence de toutes les composantes de l’asile en vue de l’amélioration et de la guérison du malade détermine davantage la prise en charge du malade dans un système fait de surveillance et de soumission. Aucun espace, aucune activité, aucun instant où le malade ne se trouve indirectement confronté au contrôle et à la normativité asilaire.
La doctrine morale relèvera pour l’essentiel d’une pédagogie autoritaire, imposant l’artifice d’une société ramenée à ces principes fondamentaux d’ordre et de cohésion. Le traitement moral idéalise l’asile comme étant un monde clos, une fabrique humaine soumise aux impératifs et aux règles, à l’abri de toute spontanéité ou imprévu. L’asile ne dissimulera pas non plus la structure des rapports sociaux inégalitaires, il les affirme et leur donne une légitimité par rapport aux cadres politiques et médicaux qui les déterminent. Cette structure sociale inégalitaire est le ressort de son efficacité. Ainsi, l’asile préconise et rationalise la ségrégation et le classement des malades, la séparation des sexes, les différences hiérarchiques et enfin la dissociation des dominants et des dominés. Le traitement moral s’efforcera d’instaurer au regard de l’asile, un mode de fonctionnement où toutes les divisions qui constituent la société sont reproduites de manière optimale et efficiente.
Le mouvement désaliéniste : Pour une critique sociopolitique des institutions .
C’est au lendemain de la seconde guerre mondiale qu’une vague de critiques commence à ébranler le socle asilaire. L’asile est surpeuplé : « Entre 1945 et 1957, le nombre de patients hospitalisés dans l’institution passe de 62000 à 108000 »3 et ne dispose pas de moyens suffisants pour accueillir ces nouvelles populations. Le sur-encombrement de l’asile manifeste donc son échec quant à sa mission thérapeutique. En conséquence, il apparaît comme un espace aliénant, pathogène, affermissant les états mentaux et encourageant le phénomène de chronicisation des malades :
« Sans doute, l’implacable discipline asilaire impose telle un ordre à cette vie commune, mais à partir d’un certain taux d’ encombrement ou d’une certaine profondeur de l’atteinte mentale, elle devient en elle-même un facteur actif, non seulement d’humiliation et de souffrance, mais d’aggravation de la maladie, d’atténuation de la personnalité des malades. Celle-ci se dégrade de n’être plus respectée ni même préservée, d’être sans cesse engagée dans des conflits sordides, injustes, parfois violents, inévitables et insensés. Elle s’évade alors et s’exile plus profondément dans le monde du délire (…) Il existait dans les hôpitaux une maladie mystérieuse et redoutable : la pourriture d’hôpital ». ( Lucien Bonnafé, 1977 : 97)
Soigner l’institution devient donc primordiale pour les tenants de la psychiatrie progressiste Française. Lutter en priorité contre la pathoplastie hospitalière représente un des enjeux majeurs dans la mise en place de modalités thérapeutiques efficaces. Ainsi, c’est l’agencement des rapport sociaux et la structure même de l’organisation sociale de l’Asile auquel on imputera les phénomènes de chronicisation et d’affermissement des états mentaux des malades. Toute entreprise de soin doit donc passer par la mise en place d’une bonne forme social, social considéré à présent comme agent thérapeutique à part entière. Assouplir le système de divisions et d’oppositions sur lequel s’est construit le savoir psychiatrique doit permettre l’ouverture des espaces de partages, d’atténuer la dimension symbolique des positions sociales, les rigidités hiérarchiques et enfin de poser les bases d’un système relationnel efficient sur le plan thérapeutique susceptible de restituer la parole au malade et de le guérir. De cette façon, seul un rapport social «démocratique» favorisera l’expression langagière du malade, et dans une perspective analytique l’expression d’un symptôme.
Cette critique au fond de la division sociale du travail passera donc par l’idée que toute activité, lieu, personne ont une efficacité thérapeutique et doivent donc s’articuler dans le cadre d’un tout homogène. En morcelant l’institution et les personnes, elle est une entrave aux échanges, à la parole et réduit la circulation des informations. Dans cette optique, la division sociale du travail concourt à la féodalisation de la structure sociale, et donc restreint le potentiel thérapeutique de l’institution. Le haut niveau d’opposition et de division, qui constituait la structure sociale asilaire, et qui encourageait les phénomènes de repli sur soi du malade mental sur sa maladie et du personnel sur son statut, a en quelque sorte « intoxiqué » le système interrelationnel et thérapeutique. Aller au-delà de la division sociale du travail signifie dans cette perspective le changement de représentation de la maladie mentale. En effet, elle ne serait la conséquence que de l’aliénation sociale.
En articulant aliénation mentale et aliénation sociale, tout un pan de la psychiatrie Française progressiste se réclamant du Freudo-Marxisme cherchera à mettre en place, à partir de la suppression de la division sociale du travail, un au delà de la démocratie dite bourgeoise, et par extension à mettre fin au sein de ces lieux d’applications aux rapports sociaux de domination. Suppression de ces rapports sociaux avec en renfort la situation psychanalytique plurielle qui justifiera la mise en place d’espaces ouverts dans lesquels la parole du sujet libre pourra s’extérioriser sans aucune entrave ou répression. Ce nouveau système de référence que représente le freudo-marxisme, extérieur aux cadres usuels de la médecine mentale, représentera le fer de lance de la critique adressée à l’endroit de la psychiatrie aliéniste.
En effet, « le point de vue de l’inconscient d’une part, celui de la critique politique d’autre part, ont dégagé une nouvelle alternative à partir de laquelle une contestation globale du système psychiatrique devenait possible ».4
Le tranchant de la division de l’hôpital et de la société, du normal et du pathologique seront remis en cause et permettront le surgissement d’une vie sociale considérée dorénavant comme l’agent thérapeutique fondamental. Ainsi, l’expérience très localisée de l’Hôpital de Saint Alban, centre de gravité représentera, la pratique archétypique dans laquelle se cristallisera toutes les représentations, techniques, innovations etc., qui déboucheront sur l’Aggiornamento moderne de la psychiatrie et l’instauration d’une nouvelle politique en santé mentale. La remise en cause de tous les effets pathogéniques de l’institution psychiatrique sur le malade mentale, largement influencé par le style d’analyse Freudo-Marxiste, reposera donc sur une critique de l’enfermement, des limites de la démocratie bourgeoise et des effets aliénants et pathogénique de la division sociale du travail.
En rupture avec le système organisationnel et structurel de l’asile, la psychothérapie institutionnelle privilégiera un certain réformisme institutionnel et tentera de redéfinir la problématique de l’aliénation mentale en insistant sur la dimension aliénante de l’institution psychiatrique et sur celles qui composent le monde social. Au milieu social est donc attribué des valeurs thérapeutiques. Une bonne configuration de ce dernier est la condition indispensable à toute entreprise de cure.
Les apports du courant freudo-marxiste dans cette période de crise institutionnelle se verront néanmoins par la suite complètement dilués et réinterprétés dans le cadre du grand mouvement de réforme psychiatrique. En effet, ils représenteront une réponse quant à la crise que traverse le système psychiatrique, et favoriseront le renouveau d’une pratique qui, ne pouvant plus compter sur sa base historique exclusive que constituent l’hôpital et l’internement, va devoir se réinventer à partir de l’extension de son champ d’intervention.
Vers la sectorisation des services psychiatriques :
Le changement institutionnel s’incarnera donc au travers de la circulaire du 15 Mars 1960. Elle énonce le principe essentiel de l’organisation de la lutte contre les maladies mentales et de séparer le moins possible le malade de sa famille et de son milieu. Ce retournement n’est pas une simple inflexion, il implique et emporte une modification qui affecte l’ensemble même de l’institution psychiatrique, dans tous ses registres. L’internement faisceau de mesures hétérogènes ou se mêlent des préoccupations d’ordre, de sécurité et de soins est ici décomposé. Une conception nouvelle du social apparaît au travers de cette circulaire. Séparer le malade du milieu social impliquait une vision d’un social virtuellement pathogène . L’isolement thérapeutique trouvait son origine dans une méfiance politique et médical à l’égard d’un social en proie au désordre, incapable de fournir des repères et des règles d’une cohérence et d’une permanence suffisante pour le malades. En inversant le principe de la séparation, c’est non seulement l’asile qui est mis en cause comme instrument thérapeutique, mais la représentation du mécanisme de réadaptation. Elle n’est plus explicitement une rééducation dont le malade serait l’objet et qui exigerait un établissement, des techniques et des médecins spéciaux. En remettant en cause l’essentiel des principes qui soutenait la psychiatrie, elle indique une modification essentielle dans la façon dont la société tente de réduire sa part d’hétérogénéité et de se rendre homogène à elle même.
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La circulaire démontre en effet que le pouvoir incite les psychiatres à ne plus s’appuyer sur les décisions et les séparations multiples qui constituent l’institution psychiatrique, mais a en atténuer le plus possible le tranchant. Et d’abord la division nettement affirmée du normal et du pathologique ; en effet l’opposition malade/non malade est relativement dissoute par l ‘idée de prévention et de post-cure. L’hospitalisation du malade mentale ne constitue plus désormais qu’une étape du traitement qui a été commencé et devra être poursuivi dans les organisations de prévention et de post-cure.
L’hospitalisation n’apparaît plus comme un point de fixation. La notion de maladie n’est plus arrimée à l’hôpital, qui ne suffit plus à la définir. L’hôpital psychiatrique perd de son monopole dans l’élaboration clinique et la pratique thérapeutique. Les divisions et les séparations qui régissaient les représentations se dissolvent dans une continuité institutionnelle. Parallèlement au désenclavement de l’hôpital, la circulaire préconise la multiplication d’organisme extra-hospitalier, grâce auquel il est possible d’éviter l’hospitalisation. L’ensemble du dispositif extra-hospitalier tendent à briser la séparation hôpital/vie social, maladie/vie normale, et à instituer une continuité par un passage insensible entre la vie normale, la maladie et la réadaptation.
Néanmoins, ce n’est qu’à partir des années 1971 -1972, que le pouvoir s’engage pleinement dans la mise en place de la sectorisation et la remise en cause de l’hospitalo-centrisme. L’ensemble des très nombreuses circulaires de l’époque (18 Janvier 1971 – 15 Mars 1972) mettent l’accent sur l’intérêt thérapeutique, économique et financier des activités et des institutions extra-hospitalières. Cette inflexion très nette de la politique de santé mentale n’est pas étrangère à un effort de rationalisation budgétaire, mais elle ne peut, la réduire à ces motifs. Le surencombrement justifiera la mise en place de ses services psychiatriques plurielles. Néanmoins ce ne sont pas leurs caractères peu onéreux qui justifieront à eux seuls les nouveaux dessins de la psychiatrie Française. Dans ses intentions et ses visées, la politique de secteur qui verra jour au début des années 1970 ne se limite plus, à un simple catalogue d’organisme se surajoutant à l’organisation traditionnelle. En effet, elle remanie trop profondément l’organisation, l’ensemble des représentations et le discours psychiatriques pour être identifiée à une mesure ponctuelle de rentabilité économique. Ce sont surtout les nouvelles représentations de la maladie mentale et de la réadaptation qui contribueront à son adoption.
Santé mentale et Expansionnisme psychiatrique :
La politique de secteur qui se proposait de diminuer l’importance de l’hôpital et de remettre en cause sa prédominance dans le système de santé mentale, a paradoxalement augmenté son activité. Une population beaucoup plus considérable y est admise ; certes on séjourne moins longtemps à l’hôpital, mais on y retourne plus fréquemment. En s’appuyant sur le système de représentation social prévu par le système de santé mentale, la politique de secteur a considérablement augmenté le nombre de personnes prises en charge par la psychiatrie ou par ses formations annexes.
« Ce n’est pas seulement le lieu d’exercice de l’activité thérapeutique qui change lorsqu’elle s’ouvre vers l’extérieur, c’est aussi son mode et son matériel humain » (Castel, 1975 :
96)
L’expansion du champ d’intervention de la psychiatrie publique sera conforté par ce changement de paradigme et de représentation que suscite le développement du concept de santé et par extension celui de santé mentale, au détriment de celui de maladie.
Tout comme la médecine générale, la psychiatrie va s’émanciper d’une étiologie monocausale et de la notion de maladie. En effet, la division « normal/pathologique », caractéristique de la conception traditionnelle de la santé mentale, qui consistait en une pratique psychiatrique fondée sur une représentation exclusivement médicale de la maladie, c’est-à-dire sur le caractère curable de la maladie, va peu à peu disparaître. Il est question à présent de considérer l’Homme comme un être holistique, dans lequel les dimensions bio-psycho-sociales sont en constantes interactions et consubstantielles de son état de santé. En effet, un individu affecté d’une quelconque maladie pourra très bien bénéficier d’une santé globale positive; tout dépendra de sa manière de vivre avec la maladie, des inscriptions sociales qu’il entretient etc. Autrement dit, tout dépendra du capital psycho-social dont il dispose et qu’il peut solliciter dans la compensation de cette maladie.
L’action médicale consiste donc dans cette perspective, via ce concept de santé mentale, à prévenir et à entretenir le capital santé des individus, c’est-à-dire à adapter les individus aux exigences de l’organisation sociale, pouvant perturber leur équilibre et leur bien être.
C’est donc dans cette optique, et avec le renfort de la médecine, que les sociétés industrielles avancées en situation de réflexivité par rapport à elles-mêmes et à leurs potentialités morbides cherchent à prémunir les individus des risques qu’ils encourent dans ce contexte de vulnérabilité généralisée. Dans le cadre de la santé mentale, il est évident que cette potentialité morbide repose dans l’apparition d’un événement pathologique. Ces impératifs préventifs seront, comme nous venons de le voir, symbolisés dans le cadre de l’activité psychiatrie par l’extension de son champ d’intervention dans la société.
Le dispositif sectoriel va en effet permettre la mise en place de ces impératifs, notamment par le déploiement d’antennes psychiatriques au plus près de la population et de manière plus expansive par la pénétration du discours psychiatrique dans les institutions scolaires, salariales, familiales etc., Les nouvelles fonctions de la psychiatrie publique mais de la médecine en générale consistent dans une certaine mesure à corriger les tares des individus souffrant d’inadaptations aux cadres sociaux normatifs dominants. Ainsi, le capital santé dont dispose les individus doit être réajusté et suffisant à l’adaptation de situation pathogène ou plutôt morbide, que génère les sociétés industrielles. Dans cette perspective, la psychiatrie publique a vocation à légitimer l’organisation sociale et les cadres sociaux normatifs en place avec comme support ce discours médical qui individualise les phénomènes pathologiques et qui est conditionné par cette idée que seule une réadaptation des individus peut les replacer dans les critères positifs de la santé mentale. Ainsi selon Ivan Illich :
« Une société surindustrialisée est morbide dans la mesure où les hommes ne parviennent pas à s’y adapter. En fait, les hommes cesseraient de la tolérer si le diagnostic médical n’identifiait leur incapacité à s’en accommoder à un ébranlement de leur santé. Le diagnostic est là pour expliquer que s’ils ne la supportent pas, ce n’est pas le fait d’un environnement inhumain, mais parce que leur organisme est défaillant ». (Illich, 1975 : 166)
De plus, la spécialisation de la psychiatrie, devenu discipline médicale à partir de la fin des années 1960 ( La loi du 31 juillet 1968 (…) et les arrêtés du 30 décembre 1968) et la reconnaissance par le législateur de son caractère médical va permettre son rapprochement avec les représentations sociales dominantes de la médecine générale, qui consistent à appréhender le soin à partir d’une approche individualisée. En effet, le propre de la pensée médicale est de s’attacher essentiellement à l’aspect individuel du processus d’ensemble. Elle supprime la riche ambiguïté du mot traitement pour ne traiter que les caractéristiques personnelles du produit maladie.
Cette spécialisation de la psychiatrie publique aura donc pour effet de l’écarter des représentations sociales et pratiques développées dans le cadre des alternatives à la psychiatrie aliéniste, à savoir l’appréhension de la maladie mentale à partir d’une prise en compte des facteurs extérieurs à l’individu responsables et impliqués dans l’apparition d’un trouble.
L’expansion du discours psychiatrique dans le champ social, à partir de la mise en place du dispositif sectoriel représentera, on vient de le voir, un puissant outil d’explication et d’interprétation des difficultés que rencontrent les individus en termes d’adaptabilité aux transformations accéléré du monde néo-libéral.. La psychiatrie publique va permettre, en opérant au plus près des problèmes de la population, de garantir aux individus un capital santé mentale nécessaire à l’affrontement des épreuves morbides/pathogènes que suscite le développement du néo-libéralisme. Cette ressource sociale que représente le discours médical psychiatrique dans l’appréhension des « troubles de l’adaptation » renvoi dorénavant l’individu face à ses propres responsabilités quant à sa bonne ou mauvaise santé mentale, sans compromettre les appareils idéologiques qui sous tendent ce nouveau paradigme : à savoir la santé mentale.
Les orientations post-disciplinaire de la psychiatrie :
Initialement prévu pour lutter contre la souffrance psychique, l’exclusion sociale et favoriser la sortie de l’hospitalocentrisme, le concept de santé mentale va peu à peu se déterritorialiser du champ psychiatrique pour se ré enraciner dans le champ de l’économie. En effet, les politiques d’austérité qui depuis les années 1980 organise et rationalise la casse généralisée des services publiques de la santé, de l’éducation etc., ne semble pas épargner non plus l’institution psychiatrique. L’économie néo-libérale avec le consentement et l’impulsion des pouvoirs publiques se positionne et investit également le domaine de la santé mentale. Avec un système de représentations et des pratiques motivé par des impératifs de rentabilité, c’est la conception du soin et la prise en charge même des individus en détresse qui doit être redéfini. Au détriment de l’accueil, et de la singularité de la relation soignante, du pluralisme thérapeutique etc., les considérations comptables sont amener à altérer la prise en charge ainsi que la conception même du soin. De cette façon, la froideur technique de l’informatique, des protocoles, de l’évaluation, de la démarche qualité, en somme tous les dispositifs prévu par ce processus de rationalisation économique et scientifique participe selon nous de ce mouvement de gestionnarisation de la souffrance psychique et de transformation de la pratique psychiatrique. La tarification à l’activité (t2a), mode de financement des établissements de santé issu du plan hôpital 2007, illustre parfaitement cette nouvelle gouvernance économique. Le mode de tarification devrait valoriser les premières séquences d’hospitalisation, déterminantes pour éviter les risques d’hospitalisation au long cours, mais aussi les alternatives à l’hospitalisation. En effet, comme le prévoit la loi du 5 juillet 2011, l’injonction aux soins à domicile va peu à peu se substituer à l’hospitalisation à temps complet, devenu le talon d’Achille de ce nouveau dispositif gestionnaire. Les soins sans consentement à domicile marquent ainsi l’avènement d’une société de contrôle d’un genre nouveau où chaque être humain, s’il est trop différent ou trop dérangeant, pourra être enfermé et traité chez soi, et jusqu’à l’intérieur de soi-même.
Ce processus de rationalisation d’ensemble de l’institution psychiatrique prévoit également le la recomposition des psychothérapies appliquées aux soins des troubles mentaux. Seront valorisés dans cette perspective les méthodes et programmes susceptibles de répondre aux impératifs de rentabilité et des nouvelles représentations que prévoit le paradigme de la santé mentale. Commandé dans le cadre du plan santé mentale mise en place par le ministère de la santé en 2001, une expertise collective de l’Inserm à analysé et évalué les différentes psychothérapies opérationnelle dans la lutte contre les troubles mentaux. Les trois types d’approches évalués sont les suivantes : l’approche psychodynamiques/psychanalytiques, l’approche comportementale et cognitive et enfin l’approche familiale et de couple. Selon les résultats de cet important rapport, les TCC aurait fait la preuve de leur efficacité pour 15 trouble sur 16, les thérapies familiales pour 5 troubles sur 16 et enfin l’approche psycho-dynamique pour 1 trouble sur 16. La supériorité de l’approche cognitivo-comportementale se révèle donc indiscutable de par son caractère semble t’il positiviste. La psychanalyse ou encore la psychothérapie institutionnelle représente dorénavant selon ce rapport des méthodes désuète et auquel il faudrait renoncer au vu de leurs manque de scientificité, mais surtout en raison de leurs caractère trop onéreux. Actuellement, les fondements épistémologiques de la thérapie comportementale et cognitive, tiennent désormais la meilleure place dans les méthodes psychothérapiques objectivement évaluables, en termes d’efficacité. Cette normalisation de la clinique et cette uniformisation des pratiques vise à atteindre au cœur de sa spécificité, la psychiatrie, en la réduisant à néant dans les logiques médicales et bureaucratique. Par l’extension de cette méthode thérapeutique, il nous semble une fois de plus que la psychiatrie ne soit rapatrier dans le champ exclusif de la médecine.
En effet, depuis les années 90, la psychiatrie ne s’occupe plus vraiment de soigner des maladies mentales avérées, rigoureusement définies comme l’étaient les névroses et les psychoses, mais s’est donné pour mission de désigner médicalement toute déviance individuelle. Individualisant la souffrance psychique à partir du concept de santé mentale, il semblerai que la médecine psychiatrique ne se représente le trouble mentale que comme un écart à la norme susceptible d’être corrigé par la mobilisation des nouvelles catégories de la déviance psycho-sociale. Neutralisant les éléments extérieurs, d’ordres affectifs, sociaux ou encore politique pouvant se rendre responsable dans l’apparition d’un trouble, l’institution psychiatrique se représente dorénavant le corps social dans son intégralité comme ensemble malade. Tout écart à la norme, troubles, souffrance en tout genre peuvent intégrer, par invalidation épistémologique des déterminants extra-psy, les grilles d’interprétations médicales. A partir de la confection rationnelle de nouvelles catégories et pathologies de la désintégration, de la déviance, de la désadaptation, la psychiatrie risque de devenir une simple entreprise de justification de l’ordre social dominant. Plutôt que de remettre en question les phénomènes d’exclusion sociale, de paupérisation, de violence sociale ou encore de désaffiliation qu’induit un système socio-économique fondé sur la compétition généralisée, l’exploitation de l’autre et sa jetabilité, il semblerait que la médecine mentale ait ses réponses à ces problèmes de plus en plus mis sur le compte d’un souci d’adaptabilité des individus à la temporalité, aux valeurs et normes des sociétés néo-libérales.
Dans ce contexte de délabrement des soins réels et d’expansion du champ d’intervention psychiatrique, il nous semble que la logique du contrôle social et de la surveillance des populations se substituerait à la fonction soignante de la psychiatrie. En effet, comment ne pas identifier dans cette promotion des « externements contraints », de ces alternatives à l’hospitalisation prévu par le législateur en 2011, la mise en place d’un dispositif confiant à l’institution psychiatrique le mandat de contrôle des populations dans leurs adaptation à l’environnement social. L’hôpital ayant pour vocation de remettre et de rendre à la société les individus en rupture avec les référentiels socionormatifs se déterritorialise peu à peu de son socle original et de ses antennes périphériques pour investir désormais, non plus le social comme c’était prévu dans le cadre de la politique de sectorisation, mais l’intimité même des individus souffrant.
D’un contrôle social s’accomplissant sur un mode disciplinaire dans le cadre de l’institution asilaire, la psychiatrie contemporaine procède d’un contrôle social plus diffus et insidieux; dans le sens où l’entreprise d’intervention sur la santé et donc sur la vie des individus dissimule, au-delà de cet impératif de prévention des risques et de sauvegarde de la « bonne santé », une volonté d’inscrire dans les subjectivités ce que nous nommerons un sur-controle social.
Même si l’intervention psychiatrique repose davantage sur la réparation, la réadaptation et sur la construction d’un lien social médical pour les individus en situation de décrochage mais pour lesquels elle a ses solutions en termes de réadaptation aux instances de socialisation ayant préliminairement échouée, elle n’a pas trouvé, pour les individus les plus « hermétiques » aux nouvelles techniques qu’elle a su mobiliser, d’autres alternatives que la ségrégation sociale et l’isolement ( Tendance actuelle à la recrudescence des mesures de contentions). Ces vestiges de l’enfermement psychiatrique constituent si l’on veut un des derniers « archaïsmes » institutionnels et représentent une des contradictions majeures pour une société animée par des valeurs démocratiques, qui s’oriente vers des modalités de contrôle social privilégiant dorénavant la responsabilisation, la persuasion etc., autrement dit la psychologie.
Conclusion :
Pour résumé à l’extrême, ce travail s’est proposé d’analyser le discours social de l’institution psychiatrique, et d’appréhender les différentes modalités de la réadaptation et de la socialisation. Cette démarche s’est efforcé de déployer les différentes phases par lesquelles l’institution psychiatrique à évolué vers un ensemble de représentation qui tend à estomper l’hétérogénéité de la maladie mentale en la dissimilant dans toute l’étendue du social et ce à travers le prisme de la santé mentale. Ce mouvement nous venons de le voir s’achève par la dissolution de l’excentricité visible de l’hôpital psychiatrique dans une multiplicité d’institutions intégrée à la société, amener à prendre en charge les conflits, les ratés et les impasses des différents foyers de socialisation et de réadaptation.
Accueillir de manière inconditionnelle l’autre, dans sa singularité, avec son vécu, construire du lien social et un système relationnel susceptible de favoriser une prise en charge contenante, respectueuse de la personne, lui renvoyant une image positive d’elle même sans pesanteur bureaucratique ou technique sont aujourd’hui les éléments de modalités thérapeutiques largement remise en cause par le mouvement réactionnaire qui traverse l’institution psychiatrique Française. Ils sont les derniers vestiges si l’on veut, les survivances d’une psychiatrie attaché aux valeurs humanistes et progressiste et dont les représentations sociales sur la maladie mentale dépasse largement les idées de mise en conformité.
En psychiatrisant et médicalisant toutes les sphères de la vie sociale, dans le but de légitimer l’ordre social dominant et la poursuite aliénante d’un objectif fantasque, il semblerait que notre civilisation ait atteint un niveau de morbidité symptomatique de la crise sociale et culturelle qu’elle traverse. Enfin, par l’inscription aux plus profond des subjectivités, des idées de renoncements au progrès (social), d’adaptations perpétuel aux changements et de résignation aux utopies, l’idéologie néo-libérale revendiquant orgueilleusement la fin de l’histoire, a su trouver dans le discours et les pratiques psychiatriques le support institutionnel et scientifique idéal pour légitimer et donner du sens à son ordre post-disciplinaire.
Alexandre FARCY